La nuit venait enfin de tomber. Au-dehors, des lumières s’allumaient dans la rue, et l’enseigne au néon du restaurant du coin jetait par saccades, en une série de minuscules explosions, sa lumière rouge dont le reflet adouci envahissait la chambre de Jim.
John STEINBECK, En un combat douteux, 1936, Éd. Gallimard
Votre projet donnera à voir les aspects changeants de la rue, de la chambre sous les différentes lumières décrites dans l’extrait de texte. Vous chercherez à placer au centre de votre réflexion ces questions (problèmes) :
- Comment le temps s’inscrit-il dans la réalisation ?
- Comment se manifestent les changements (de lumières, de lieux) dans cette séquence ?
Objectifs pédagogiques
La séquence a pour objectifs d’amener les élèves à :
- anticiper la création en réfléchissant à ses modalités de réalisation
- travailler les questions liées à l’image à des fins narratives, symboliques, poétiques, sensibles, imaginaires… tout en s’éloignant des stéréotypes
- comprendre que la narration visuelle est déterminée par des codes et des techniques et saisir que les images ont une dimension artistique qui peut s’affranchir des règles.
Questions
En quoi la fiction joue-t-elle de la valeur expressive de l’écart entre le référent et sa représentation ?
Dans quelle mesure les images peuvent-elles raconter une histoire ? En quoi la narration visuelle intègre-t-elle une dimension temporelle et séquentielle ?
Dans quelle mesure le dispositif de représentation modifie-t-il la narration, l’histoire racontée ?
Le saviez-vous ?
Dans le domaine de l’audiovisuel, l’animation est un ensemble de techniques qui, par une succession d’images, donne à un public l’illusion que des personnages, des objets, des décors en réalité immobiles sont dotés de mouvement naturel.
Ces techniques résultent de recherches s’étalant sur plus d’un siècle pour créer des œuvres visuelles ou audiovisuelles donnant l’impression que des dessins, des peintures, des objets inanimés divers (maquettes, poupées, marionnettes, etc.) ou des images de synthèse sont animés et se déplacent d’eux-mêmes, comme s’ils étaient vivants. C’est pourquoi on utilise le terme « animation » dérivé du latin « animalis », qui signifie « animé » ou « vivant » (d’après Wikipédia).
Les logiciels de présentation les plus populaires, tels que PowerPoint, Keynote ou Libre Office Impress, permettent d’animer le texte, les images et d’autres objets dans votre diaporama. Vous pouvez ainsi faire apparaître ou disparaître des éléments, les déplacer, changer leur taille ou encore modifier leur couleur.
Il est également possible d’envisager une autre option en utilisant ou en détournant des jouets optiques pour créer l’illusion du mouvement :
- la planche de zootrope : jouet optique inventé en 1834 se fondant sur la persistance rétinienne et l’effet phi, le zootrope permet de donner l’illusion de mouvement d’un personnage dessiné
- le folioscope (1860) ou flipbook : petit livret de dessins ou de photographies qui représentent une scène en mouvement (par exemple, un personnage ou un animal). En le feuilletant rapidement, un folioscope procure à l’œil l’illusion que le sujet représenté est en mouvement
- le praxinoscope (1876) : jouet optique donnant l’illusion du mouvement et fonctionnant sur le principe de la compensation optique
- le phonotrope : technique de création d’animation en utilisant la confluence de la fréquence d’images d’une caméra et des révolutions d’un disque en rotation constante, principalement (mais pas exclusivement) à l’aide d’un tourne-disque.
La bande dessinée qui utilise une juxtaposition de dessins (ou d’autres images fixes, mais pas nécessairement photographiques), articulés en séquences narratives, peut bien évidemment être considérée pour répondre à la proposition.
Références artistiques possibles
- REMBRANDT (1607-1669), La Ronde de nuit, 1642, huile sur toile, 363×437 cm, Rijksmuseum Amsterdam

- Georges De La TOUR (1593-1652), Le nouveau-né, 1645, huile sur toile, 76×91 cm, Musée des beaux-arts de Rennes, Rennes

- Eadweard MUYBRIDGE (1830- 1904), Plate 163. Jumping, Standing Broad Jump, 1872-1885, collotype sur papier, photographies de la série : Animal Locomotion: An Electro-Photographic Investigation of Consecutive Phases of Animal Movements
- Étienne-Jules MAREY (1830-1904), Décomposition du vol d’un goéland, 1886, chronophotographie sur plaque. Le photographe réalise en 1887 des sculptures en bronze, représentant les différentes phases du vol du pigeon, et du vol du goéland en onze et dix figures. Il veut représenter le mouvement de l’aile en trois dimensions. Chaque figure illustre une seule phase du mouvement. Musée d’Orsay, Paris
- Vincent Van GOGH (1853-1890), Terrasse du café le soir, place du forum, à Arles, 1888, huile sur toile, 80,7×65,3 cm, Musée Kröller-Müller, Otterlo (Pays-Bas)

- Émile REYNAUD (1844-1918), Pauvre Pierrot, 1892, env. 15 min. Ce métrage utilise le procédé du théâtre optique, permettant à Émile Reynaud de projeter un film peint à la main et en couleur (le cinématographe n’existait pas encore).
- Émile COHL (1857-1938), Fantasmagorie, 1908, 2 min. Ce film d’animation est considéré comme le premier dessin animé cinématographique réalisé dans le monde.
- Jacques Henri LARTIGUES (1894-1986), Grand Prix de l’ACF, 1912, photographie argentique
- Giacomo BALLA (1871-1958), Dynamisme d’un chien en laisse, 1912, huile sur toile, 90,8×110 cm
- Luigi RUSSOLO (1835-1947), Automobile in corsa, 1913, huile sur toile, 106×140 cm

- Edward HOPPER (1882-1967), Night Windows (Fenêtre, la nuit), 1928, huile sur toile 73,7 86,4 cm, MoMA, New York – https://www.moma.org/collection/works/79270
- Henri CARTIER-BRESSON (1908-2004), Derrière la gare Saint-Lazare, Paris, 1932, photographie, Centre Pompidou, Paris
- Len LYE (1901-1980), Color Box, 1935, 3 min. Ce film expérimental (les motifs sont directement peints sur la pellicule) connaît une grande diffusion et deviendra un modèle du genre.
- Charles LAUGHTON (1899-1962), La Nuit du chasseur, film, 1955, film, 93 min
- Norman McLAREN (1914-1987), Synchromie, 1971, 7 min. Court métrage d’animation présentant des jeux de couleurs, de formes et de sons. En guise de musique, Norman McLaren a dessiné des sons synthétiques et il les a photographiés sur la bande sonore en conservant un parallélisme absolu entre le son et l’image. Synchromie est un film de « son animé » dans le vrai sens du terme.
- Rivane NEUENSCHWANDER (1967-), Ze Carioca no. 12, O rapto da Donzela [The abduction of the maiden], 2002-2004, acrylique sur pages de comic book, Collection of Aimee and Robert Lehrman, Washington, D.C.

- James TURRELL (1943-), Awakening, 2006, installation lumineuse, 306,5×206,5×70 cm
- Gerhard RICHTER (1932-), le vitrail de la cathédrale de Cologne, 2007
- Greg SHAW (1979-), Travelling Square District, 2010, cette BD propose un traveling de 140 planches sur une image unique, Éd. Sarbacane

- Ólafur ELÍASSON (1967-), Your rainbow panorama, 2011, ARoS Aarhus Kunstmuseum, Danemark – https://olafureliasson.net/artwork/your-rainbow-panorama-2006-2011/
- Ted PIM, Ford Factory, Belfast, 2014, peinture murale. Ted PIM peint depuis une dizaine d’années dans des bâtiments abandonnés d’Europe et des États-Unis des fresques montrant des personnages et des natures mortes d’inspiration baroque sur fond noir qui donnent l’impression de surgir de l’obscurité ; il capture ensuite ses œuvres dans leur environnement avec un vieil appareil argentique qui donne à ses photos cet aspect de peinture.
Références aux programmes
Domaines de l’investigation et de la mise en œuvre des langages et des pratiques plastiques : outils, moyens, techniques, médiums, matériaux, notions au service d’une création à visée artistique
La représentation, ses langages, moyens plastiques et enjeux artistiques
– La ressemblance et ses codes : relation au modèle, tirer parti de l’écart avec la réalité (potentiel plastique et sémantique), spécificités propres aux différentes pratiques (picturales, sculpturales, photographiques)
La figuration et l’image ; la non-figuration
– Le temps et le mouvement de la figuration : temporalités et mouvements (réels, suggérés, temps de dévoilement et/ou mouvement du spectateur) au service d’une narration
– La figuration et la construction de l’image : espaces et dispositifs de la narration (séquences visuelles, polyptyques, installations)
*Image mise en avant, Nighthawks (1942) d’Edward HOPPER, Art Institute of Chicago