Dans le langage courant, « Deus ex machina », expression latine signifiant littéralement « dieu sorti de la machine », s’applique à un événement inattendu et improbable qui arrive par surprise et qui résout une situation jusque-là bloquée.
Et si l’IA était aujourd’hui ce “dieu” sorti de la machine, comment la repésenteriez-vous ?
Vous nourrissant de vos recherches et de vos échanges, donnez à voir l’idée que vous vous faites de cette machine créatrice, sous la forme d’une planche d’images (: dessins, illustrations, collages, photomontages, promptographies).
Contextualisez votre machine en mettant en évidence ses composantes caractéristiques, par exemple, sa structure métallique ou synthétique, ses circuits électriques, ses câbles, etc., ou au contraire, en la rendant plus immatérielle. Aussi, vous pourriez vous inspirer pour la planche d’une esthétique numérique, ou du style steampunk ou cyberpunk…
*Machine : appareil ou ensemble d’appareils capable d’effectuer un certain travail ou de remplir une certaine fonction, soit sous la conduite d’un opérateur, soit d’une manière autonome. L’histoire de l’art abonde en machineries diverses : des statues animées de l’Antiquité grecque, machines de guerre et à voler de Léonard de Vinci, automates de Vaucanson.
Questionnement
Dans quelle mesure la machine est-elle capable de créer des œuvres différentes, nouvelles et non pas de simples copies ? L’utilisation de la machine fait-elle alors sens ?
L’art est produit, en principe, par les artistes, mais qu’arrive-t-il lorsque des machines, des algorithmes se mettent à créer ?
Quels sont les enjeux de son usage dans la pratique des arts plastiques ? Dans quelle mesure l’intelligence artificielle renouvelle-t-elle l’esthétique du numérique ?
L’IA peut-elle être une « aide inattendue » dans l’acte de création artistique ? Ne facilite-t-elle que l’exploitation des savoirs existants, en ignorant tout principe éthique ?
Exemples de planches et dessins préparatoires




Emballage du pont Neuf du 22 septembre au 7 octobre 1985 – https://fr.wikipedia.org/wiki/Christo_et_Jeanne-Claude


Emballage du Reichstag du 23 juin au 7 juillet 1995
En 1971, Christo, en collaboration avec Jeanne-Claude, esquisse les premiers dessins du projet d’emballage du Reichstag à Berlin.



L’Arc de Triomphe, Wrapped du 18 septembre au 3 octobre 2021
Les œuvres de Christo et Jeanne-Claude, gigantesques et donc coûteuses, sont en général entièrement financées par la vente des études préparatoires.


Fabienne VERDIER, Force – Forme, Planche #3, 2017, dessins, textes, collages sur papier, 30 × 46 cm
Steampunk, l’univers de la première révolution industrielle
À l’origine, le steampunk (futur à vapeur) est un genre littéraire dont Jules Verne, Albert Robida ou H. G. Wells fournissent les caractéristiques et l’esthétique de l’univers d’expression à travers leurs romans ou les adaptations cinématographiques qui en ont été faites : Vingt mille lieues sous les mers de Richard Fleischer (1954), L’Invention diabolique de Karel Zeman (1958) ou La Machine à explorer le temps de George Pal (1960).
L’univers des époques victorienne (1837-1901) et édouardienne (1901-1910) d’avant la Première Guerre mondiale reste l’un des décors favoris du genre.
Par extension sont assimilés au genre du steampunk les récits qui se déroulent soit dans le futur, soit dans un présent uchronique alternatif — où apparaissent des personnages historiques ayant réellement existé —, quand leur décor rappelle le design de l’environnement industriel du 19e siècle ou que la société qu’ils décrivent ressemble à celle de l’époque socialement très rigide et cloisonnée.
Le steampunk recoupe fréquemment d’autres genres référentiels de la SF comme le voyage temporel, l’uchronie (décalage temporel et histoire alternative) et les univers parallèles. Cet aspect uchronique canonique a valu aux œuvres de SF steampunk les labels de « chroniques du futur antérieur » ou de « rétrofutur » chez les fans du genre. Une autre des principales différences entre le steampunk et la science-fiction réside dans la présence d’éléments anachroniques plus tardifs comme les ordinateurs ou les manipulations génétiques qui n’existaient évidemment pas à l’époque.
Source Wikipédia : Steampunk
_ Dieselpunk : rétrofuturisme dérivé du steampunk où la technologie de la révolution industrielle (charbon et vapeur) est remplacée par le moteur à combustion et s’approche d’une vision du monde de la fin des années 1930 jusqu’aux années 1950. Ex : The Rocketeer, comics de Dave Stevens ou Leviathan, romans de Scott Westerfeld.
_ Atompunk : rétrofuturisme au style moderne du milieu du siècle, la révolution nucléaire et l’ère spatiale de Spoutnik. Ex : Fallout, jeux vidéo de Black Isle Studios puis Bethesda Softworks ou Les Indestructibles du Studio d’animation PIXAR.
_ Cyberpunk : dystopie où la technologie a fusionné avec l’humain. Ex : Blade Runner, film de Riddley Scott ou Bienvenue à Gattaca, film d’Andrew Niccol.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Cyberpunk
Références artistiques possibles
La machine
- Jacques VAUCANSON (1709-1782), Le flûteur automate, env. 1733, statue en bois et carton (bras), 178 cm de haut, automate pouvant jouer plusieurs morceaux en soufflant naturellement dans sa flûte.
- Jean ARP (1886-1966), Collage avec des carrés disposés selon les lois du hasard, 1916, collage, 48,5 x 34,6 cm, MoMA, NY
https://www.moma.org/learn/moma_learning/jean-hans-arp-untitled-collage-with-squares-arranged-according-to-the-laws-of-chance-1916-17/ - Marcel DUCHAMP (1887-1968), Rotative plaques verre, 1920/1979, 5 plaques de plexiglas peintes, bois et bras métalliques, axe métallique entraîné par un moteur électrique, 135 x 170 x 123 cm

- Alexander CALDER (1898-1976), Sans titre, 1931, fil, bois, moteur. Structure en fil de fer et formes géométriques noires mises en mouvement par un mécanisme intégré et entraîné par un petit moteur.
http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-calder/ENS-calder.html - François MORELLET (1926-2016), Répartition aléatoire de triangles suivant les chiffres pairs et impairs d’un annuaire téléphonique, 1958, triptyque, huile sur contre-plaqué, chaque panneau : 80 x 80 cm, Musée de Grenoble. Les œuvres de François Morellet sont exécutées d’après un système : chaque choix est défini par un principe établi par avance. Il veut par là donner l’impression de contrôler la création artistique tout en laissant une part de hasard, ce qui donne un tableau imprévisible. Il utilise des formes simples, un petit nombre de couleurs en aplats, et des compositions élémentaires (juxtaposition, superposition, hasard, interférence, fragmentation).

- Jean TINGUELY (1925-1991), Méta-matic n° 1, 1959, métal, papier, crayon-feutre, moteur, 96 x 85 x 44 cm. Les machines à dessiner Méta-Matics sont des « méta-mécaniques formées d’une roue motrice reliée par des courroies à une ou plusieurs roues qui tournent et entraînent un arbre excentré transmettant à une tige un mouvement irrégulier. L’utilisateur fixe à l’extrémité de cette tige un morceau de craie, un crayon, un stylo à bille ou encore un feutre, qui couvre de traits et de griffonnages le papier posé sur le support prévu à cet effet. Quelques instants plus tard apparaît un dessin dont les motifs se répètent à l’infini. Par ses machines à dessiner, Tinguely veut prouver qu’une œuvre d’art, loin d’être une création définie, achevée, peut engendrer sa propre vie et produire elle-même de l’art. De ce fait, les dessins variant selon la manipulation, il n’y a pas deux dessins identiques – d’où l’importance de la pression du traceur sur le papier, de la fluidité de l’agent colorant ou de la qualité du papier. La machine, le constructeur et l’utilisateur participent à parts égales à l’œuvre, à la fois sculpture, happening et dessin.
- Sol LEWITT (1928-2007), Variations Of Incomplete Open Cubes, 1974-1982. L’œuvre est générée par l’application d’une unique règle. Dans ce cas, LeWitt a systématiquement exploré les 122 façons de « not making a cube, all the ways of the cube not being complete », selon l’artiste. https://www.metmuseum.org/art/collection/search/691091



- Vera MOLNÁR (1924-2023), Hommage à Dürer, 1990, table traçante, encre rouge sur papier, 31,5 x 32 cm (Cf. Albrecht DÜRER, Melencolia I, 1514, gravure, 24,1 × 19,1 cm – https://fr.wikipedia.org/wiki/Melencolia_I)
Son art, géométrique et constructif rompt avec tout symbolisme et se centre sur des questions mathématiques, géométriques. Dans sa recherche d’un art programmé, elle se lie avec des artistes qui, tel François MORELLET, s’intéressent aux formes élémentaires et à un art fondé sur le choix d’un système. Portant, elle introduit dans la rigueur minimale de ses œuvres une certaine quantité de hasard, un soupçon de désordre venant troubler imperceptiblement ses constructions formelles.
Sa pratique est en effet fondée sur une pratique exploratoire, expérimentale portant sur la forme, sa transformation, son déplacement, sa perception. Elle recommence sans cesse, revient sans trêve au point de départ, sans jamais considérer comme achevé, acquis et clos le développement d’un travail. Elle trouve à partir de 1968, grâce à l’outil informatique, un moyen de démultiplier les propositions et d’enrichir son processus de création. Ses recherches d’une extrême rigueur s’appuient sur des méthodes empruntées à la recherche scientifique et témoignent d’une réflexion théorique sur les mécanismes de la création. - Rebecca HORN (1944-2024), Les Amants, 1991, liquide rouge, liquide noir, bras mécanique, moteur, dimensions variables


- Wim DELVOYE (1965-), Cloaca, 2000, machine de 12 mètres de long, 2,8 mètres de large et 2 mètres de haut. Elle est composée de six cloches en verre, contenant différents sucs pancréatiques, bactéries et enzymes, acides, etc., le tout dans un milieu très humide. Les cloches sont reliées entre elles par une série de tubes, tuyaux et pompes. Contrôlée par ordinateurs, l’installation est maintenue à la température du corps humain (37,2 °C) et fait circuler les aliments, ingérés 2 fois par jour, pendant 27 heures, pour y produire finalement des excréments.
- Ólafur ELÍASSON (1967-), The endless study in three dimensions, 2005, bois, métal, miroir, papier, stylo à bille, tampon. Cette machine à dessiner requiert la participation du spectateur qui repart avec un dessin géométrique spatial de type spirographe.
https://olafureliasson.net/tag/TEL3158/drawing-machines - Patrick TRESSET, Human Study #1, 2011-2024, installation – https://patricktresset.com/new/project/5-rnp/


Intelligence artificielle
- Harold COHEN (1928-2016), AARON : programme des années 1972–2016 capable de créer des œuvres visuelles de façon autonome – https://fr.wikipedia.org/wiki/AARON
- MICROSOFT, The Next Rembrandt, 2016, impression 3D générée par

- Collectif OBVIOUS, Portrait d’Edmond de Belamy, 2018, impression sur toile signée par l’algorithme, 70 × 70 cm, première œuvre d’art produite avec un logiciel d’intelligence artificielle à être présentée et vendue dans une salle des ventes (Christie’s le 25 octobre 2018)
- Mario KLINGEMANN (1970-), Memories of Passers – 29/12/2018, l’artiste pionnier de l’art génératif explore la frontière entre l’homme et la machine ordinateur.

- Jason ALLEN, Space Opera Theater, 2022, image numérique générée par Midjourney, primée à la Foire annuelle des Beaux-Arts de l’État du Colorado, États-Unis – https://fr.wikipedia.org/wiki/Théâtre_d’opéra_spatial
- Anna RIDLER (1985-), Circadian Nocturne, 2023, animations générées par l’IA de la flore nocturne – https://annaridler.com/

- Refik ANADOL (1985-), Unsupervised — Machine Hallucinations — MoMA, 2023. Refik Anadol Studio utilise des bases de données et l’IA pour créer des installations immersives, souvent perçues comme “organismes vivants” – https://refikanadol.com/works/unsupervised/
- Miguel CHEVALIER (1959-), Meta-Nature IA, 2023, installation. L’œuvre de réalité virtuelle générative s’appuie sur une base de données composée de différentes espèces d’arbres, de feuilles et de fleurs, en 2D et 3D, réalistes ou abstraites. Pour la première fois, Miguel Chevalier a introduit dans sa base de donnée, des images de fleurs et de feuilles créées par une intelligence artificielle qui génère des images à partir de textes. Il en résulte des images de fleurs imaginaires d’une grande variété. Ces images viennent enrichir la base de fleurs et de feuilles déjà collectées par Miguel Chevalier.
- Sofia CRESPO, Self-contained 009.1, 2023-2024 — Elle étudie comment la vie organique et les mécanismes artificiels se simulent et évoluent mutuellement. Son œuvre brouille la frontière entre le vivant et le synthétique – https://sofiacrespo.com/
Références aux programmes
Domaines de l’investigation et de la mise en œuvre des langages et des pratiques plastiques : outils, moyens, techniques, médiums, matériaux, notions au service d’une création à visée artistique)
La représentation, ses langages, moyens plastiques et enjeux artistiques
– Représentation et création : reproduction, interprétation, idéalisation, approches contemporaines, apports de technologies.
Domaines de la formalisation des processus et des démarches de création
L’idée, la réalisation et le travail de l’œuvre
– Les processus allant de l’intention au projet : diversité des modalités du travail préparatoire (esquisse, photomontage, modélisation, écrits), incidences sur le projet, valeur artistique
– La formalisation du projet et des choix de production de l’œuvre : adaptations ou interactions entre moyens techniques et intentions, constitution d’une mémoire du travail plastique
Un questionnement artistique transversal
Mobilisation de langages plastiques et maîtrise de techniques : se définir ou s’affirmer fabricant, technicien ou inventeur ?
* Image mise en avant générée par Stable Diffusion