Parce que le geste pictural porte en lui l’acte de représentation du visible, il y a une relation avec cette notion de l’incarnation. La peinture met en chair, réincarne les choses déjà existantes peut-être, mais en incarne assurément de nouvelles. Cette relation matérielle, physique, qu’elle établit avec ses médiums : pigments, textures, liants, supports sont ce qui la relie avec elle-même son objet même, et non avec son sujet.
– « Ce que peint le peintre, c’est la peinture elle-même. » Georg Wilhelm Friedrich HEGEL (1770-1831)
– « La peinture n’est autre chose que la peinture, elle n’exprime qu’elle-même. » Édouard MANET (1832-1883)
– « Se rappeler qu’un tableau, avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées. » Maurice DENIS (1870-1943) dans Art et Critique, 1890
– « Le sujet est un prétexte. Je crois que le sujet n’a jamais été une œuvre. » Jean-Pierre RAYNAUD (1939-)
Rendez perceptibles le pigment, le médium et la matérialité du support dans votre peinture en accentuant le geste.
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Questions
En quoi le choix et l’utilisation de l’outil déterminent-ils la manière de peindre ? Dans quelle mesure le geste peut-il être expressif ? En quoi conditionne-t-il la création ? En quoi la nature du geste a-t-il des répercussions dans la production plastique ?
[Réf. La relation du corps à la production artistique ]
Objectifs pédagogiques
La séquence a pour objectifs d’amener les élèves à :
- comprendre que le geste peut être la signification même d’une œuvre d’art
- saisir que le geste et la matière picturale engendrent un ressenti représentatif, expressif, symbolique et sensoriel
- découvrir que le geste peut suggérer autre chose que ce qu’il est et se libérer du référent réel
- se rendre compte que les artistes font émerger des émotions par le biais de leurs gestes.
Évaluation
L’évaluation portera sur :
- la documentation et la conduite du projet, notamment les expérimentations pour trouver des solutions aux problèmes rencontrés, jusqu’à la réalisation finale
- la maîtrise des effets plastiques révélés et accentués par le geste
- l’écrit explicatif utilisant un vocabulaire descriptif précis et approprié.
Composantes | Compétences | Niveaux de maîtrise |
---|---|---|
Pratique plastique et artistique | Exploiter des informations et de la documentation, notamment iconique, pour servir un projet de création | Je documente et exploite les références proposées en cours pour construire, adapter et réorienter mon projet. |
Choisir et expérimenter, mobiliser, adapter et maîtriser des langages et des moyens plastiques variés dans l’ensemble des champs de la pratique | Je fais les bons choix et parviens à créer des effets artistiques variés et maîtrisés dans ma pratique. | |
Culture artistique | Analyser et interpréter une pratique, une démarche, une œuvre | Je justifie clairement mes choix plastiques et artistiques en expliquant le cheminement qui m’a conduit à la réalisation finale. |
Références artistiques possibles
- Jean FAUTRIER (1898-1964), Tête d’otage, 1945, huile sur papier marouflé sur toile, 35×27 cm, Centre Pompidou, Paris. La période de l’après-guerre est propice à de nouveaux courants picturaux et plusieurs artistes comme Jean DUBUFFET et Jean FAUTRIER rejettent les valeurs culturelles établies. Dans leurs créations, ils utilisent toutes sortes de matériaux inhabituels comme le sable, le gravier, le goudron, l’asphalte, etc. Ils conçoivent l’art comme un processus créatif dont le spectateur doit pouvoir revivre l’élaboration grâce aux traces laissées par l’artiste : grattage, incisions, empreintes,… mais également ressentir une émotion face à la puissance du geste et du traitement de la matière.
- Jean DUBUFFET (1901-1985), Apartment Houses, Paris, 1946, huile et charbon sur toile, 114,3×146,4 cm
- Jackson POLLOCK (1912-1956), One: Number 31, 1950, peinture à l’huile et peinture émaillée sur toile, 269,5×530,8 cm, MoMA, NY

- Kazuo SHIRAGA (1924-2008), Sans titre (Planète nature), 1960, huile sur toile, 161,5×130 cm, Centre Pompidou, Paris
- Morris LOUIS (1912-1962), Russet, 1958, peinture polymère sur toile, 235,6×441,1 cm, MoMA, NY
- Antoni TÀPIES (1923-2012), Grand blanc horizontal, 1962, technique mixte sur toile, 195×310 cm, Centre Pompidou, Paris
- Helen FRANKENTHALER (1928-2011), Mauve District, 1966, acrylique sur toile (la couleur est versée sur la toile au sol), 261,5×241,2 cm, MoMA, NY. « I have always been concerned with painting that simultaneously insists on a flat surface and then denies it. »

- Mark ROTHKO (1903-1970), Untitled, 1968, acrylique sur papier contrecollé sur bois, 45,4×60,8 cm, MoMA, NY
- Claude VIALLAT (1936-), Sans titre (n°40), 1968, teintures d’éosine et bleu de méthylène sur toile, 280×194 cm, Centre Pompidou, Paris
- Sam GILLIAM (1933-2022), 10/27/69, 1969, acrylique sur toile, 355,6 × 469,9×40,6 cm, MoMA, NY

- Paul REBEYROLLE (1926-2005), Nu aux morceaux de bois, 1970, peinture à l’huile, morceau de bois, pierres volcaniques, clous, sable, cailloux sur toile, 250×290 cm, Centre Pompidou, Paris
- Simon HANTAÏ (1922-2008), Untitled [Suite « Blancs »], 1973, acrylique sur toile, 305,3×466,5 cm, MoMA, NY
- Georg BASELITZ (1938-), Das letzte Selbstbildnis II (The Last Self-Portrait II), 1982, huile sur toile, 250,19×200,03 cm, SFMOMA, San Francisco
- Antonio SAURA (1930-1998), Femme, 1984, encre et peinture acrylique sur papier, 70×50 cm, Centre Pompidou, Paris
- Pierre SOULAGES (1919-), Peinture 324×362 cm, 1985, huile sur toile, Centre Pompidou, Paris

- Eugène LEROY (1910-2000) Autoportrait, 1986, huile sur toile, 92×74 cm, LaM, Lille
- Julian SCHNABEL (1951-), Espagne, 1986, peinture à l’huile, plats et Bondo sur bois, 333x580x23 cm, Musée Guggenheim de Bilbao
- Olivier DEBRÉ (1920-1999), Sans titre, 1990-1991, huile sur toile, 380×915 cm
- Miquel BARCELÓ (1957-), Ex-voto à la chèvre, 1994, techniques mixtes sur toile, 235×285 cm, Centre Pompidou, Paris
- Craig COSTELLO (KRINK), Untitled (Roma), 2016, installation pour Outdoor Festival

- Yan PEI-MING (1960-), Portrait de Gustave Courbet, 2019, huile sur toile, 120×150 cm. Le travail pictural du peintre se distingue avant tout par les très grands formats qu’il utilise, créant ainsi un rapport physique entre le spectateur et ses œuvres. Sa peinture est constituée de larges touches entrecroisées et superposées, exécutées dans un geste énergique, voire violent, dans une sorte de corps à corps entre le peintre et sa toile. De plus, sa production artistique est essentiellement monochrome : utilisant du blanc, du noir, d’innombrables nuances de gris et parfois aussi des couleurs. Il s’affirme comme peintre de l’ombre et de la lumière par excellence. Enfin, en raison de son parcours et des sources d’inspiration, sa peinture crée des ponts entre l’Orient et l’Occident, entre la tradition et la modernité.
- Mireille BLANC (1985-), exposition Artifices (2024) à l’espace d’art contemporain de la Visitation, Thonon-les-Bains – https://mireilleblanc.com/

Références aux programmes
Domaines de l’investigation et de la mise en œuvre des langages et des pratiques plastiques
La matière, les matériaux et la matérialité de l’œuvre
– La relation du corps à la production artistique : corps de l’auteur, gestes et instruments, lisibilité du processus de production
*Photographie libre d’utilisation de Ksenia Chernaya – pexels.com