Mon corps et presque rien d’autre…

Proposez une création artistique qui explore ou met en jeu votre corps — son image, sa présence, ses gestes, ses traces, ou son évocation… Tout en intégrant l’espace ou le contexte (le spectateur) comme partie prenante de la réalisation.

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Votre corps constituera le cœur de votre démarche : utilisez-le, représentez-le, évoquez-le ou questionnez-le à travers le médium de votre choix.

Votre projet explorera la relation entre le corps — qu’il soit représenté ou non, visible ou absent —, le lieu investi et la manière dont l’œuvre engage le regard et la présence du spectateur. Il pourra s’inspirer, selon votre sensibilité, de l’organique, du physique ou du psychique.

Organique : propre ou relatif aux organes, 
Physique : aspect extérieur général de quelqu’un, 
Psychique : relatif à la pensée.

Vous expliquerez votre réalisation, notamment en répondant aux questions suivantes.  

Questions 

Comment le corps devient-il langage plastique ? Quelle est la dimension politique, poétique ou critique de son usage ?

Quels rapports, tensions ou résonances avez-vous instaurés entre le corps, le lieu et le spectateur ? En quoi votre proposition met-elle en dialogue ces trois dimensions — corporelle, spatiale et perceptive ?

Dans quelle mesure votre réalisation interroge-t-elle la notion de corps : sa présence, sa représentation, sa trace ou son absence ?
Que devient le spectateur lorsqu’il est confronté au corps de l’artiste — témoin, complice, intrus ?

En quoi les choix du médium, du support ou du geste influencent-ils votre démarche plastique ? Le corps est-il un outil, une matière, un sujet ou œuvre en soi ? Jusqu’où le corps de l’artiste doit-il intervenir — physiquement ou symboliquement — dans le processus de création ?

Pourquoi, selon vous, certains artistes choisissent-ils de faire de leur propre corps un médium artistique ? Que reste-t-il après l’action ?

Objectifs

Les objectifs de la séquence sont d’amener les élèves à :

  • explorer le corps comme matériau et sujet de création ; développer une réflexion critique sur la relation entre le corps, le lieu et le spectateur
  • articuler médium, geste et intention : prendre en compte l’influence des outils et du geste dans la représentation en deux dimensions ; saisir les relations entre la matérialité du support, le geste, le médium, l’outil
  • comprendre les enjeux et mettre en œuvre les principes élémentaires de la performance ; expérimenter la captation en posant la question du geste artistique, du point de vue de ce qui le motive, de son processus et de sa résultante.

Performance

La performance offre un mode d’expression artistique de l’art contemporain, une pratique critique, où l’action réalisée en public par l’artiste constitue l’œuvre.

S’y croisent de nombreux domaines artistiques : la danse et la chorégraphie, la musique et les pratiques sonores, le langage du geste construit par toutes les possibilités du corps, les dispositifs ouverts d’installations participatives ou immersifs, plaçant au cœur de l’œuvre l’expérience du spectateur.

Selon les historiens, la performance puise ses racines dans les rituels ancestraux. Plus officiellement, elle s’est construite avec les œuvres du musicien John CAGE, les manifestes des futuristes Italiens et les représentations des dadaïstes (début du 20e siècle), ainsi que les œuvres immatérielles du mouvement Gutaï (Japon), la poésie sonore, les happenings d’Allan KAPROV et les femmes-pinceaux d’Yves KLEIN (fin 1950-début 1960) et les sculptures vivantes de Piero MANZONI (1960-1961).

Références artistiques possibles

Raoul HAUSMANN (1886-1971), L’esprit de notre temps, 1920, bois et matériaux divers, 32,5 x 21 x 20 cm, Centre Pompidou, Paris.

Jackson POLLOCK (1912-1956), Number 26 A, « Black and White », 1948, peinture glycérophtalique sur toile, 205 x 121,7 cm, Centre Pompidou, Paris.

Yves KLEIN (1928-1962), ANT 82, Anthropométrie de l’époque bleue, 1960, pigment pur et résine synthétique sur papier monté sur toile 155 × 281 cm, Coll. centre Pompidou, MNAM, Paris (corps comme pinceau, performativité picturale).

Photographie de la performance

Francis BACON (1909-1992), Trois personnages dans une pièce, 1964, triptyque, huile sur toile, chaque panneau 198 x 147 cm, Centre Pompidou, Paris (déformation expressive du corps, tension entre chair et psyché).

Francis BACON, Trois personnages dans une pièce, 1964

Valie EXPORT (1940), Tapp Und Tastkino (Tap and Touch Cinema), 1968-1971, performance : vêtue d’une boîte en carton dissimulant ses seins nus, Valie Export invite les passants à toucher sa poitrine (le corps féminin et le regard social).

Valie EXPORT, Tapp Und Tastkino, 1968, photographie de la performance

Vito ACCONCI (1940-2017), 3 Adaptation Studies (Blindfolded catching, Hand and Mouth, Soap and Eyes), 1970, films en super-8, noir et blanc, 3 min chacun, Coll. MACBA, Barcelone. Dans Three Adaptation Studies, Vito ACCONCI résiste physiquement à trois situations simples, mais inconfortables. Dans le premier film, l’artiste, les yeux bandés, tente d’esquiver une série de balles qui lui sont lancées. Dans le second, il essaie de garder les yeux grands ouverts alors que son visage est recouvert de savon. Et dans le troisième, il essaie d’insérer tout son poing dans sa bouche. Par ces actions impliquant une certaine adversité, il impose aux spectateurs la réaction des sens et du corps.

Dennis OPPENHEIM (1938-2011), Parallel stress, mai 1970, deux performances, sur une jetée de béton et sur le sol d’un dépotoir abandonné, Long Island, New York.

Dennis OPPENHEIM Parallel stress, mai 1970

GILBERT (1943) & GEORGE (1942), The singing sculpture, 1970, performance, galerie Sonnabend à New-York, USA. Les artistes debout, généralement sur une table, entonnent en playback une chanson populaire connue durant la Seconde Guerre mondiale. Leur visage est peint. Un gant et une canne constituent les accessoires qu’ils s’échangent à la fin de la chanson. Cette œuvre définira les bases de leur vie comme sculpture vivante. Elle permet aux élèves de comprendre l’un des principes de la performance : être dans le même espace, à un instant donné, pour être témoin de l’œuvre en train de se faire. Le corps de l’artiste devient un langage artistique, les limites entre l’art et la vie disparaissent.

Gina PANE (1939-1990), Action Escalade non-anesthésiée, avril 1971, photographies noir et blanc sur panneau en bois, acier doux, 323 x 320 x 23 cm, Centre Pompidou, Paris (vulnérabilité du corps).

Gina PANE, Action Escalade non-anesthésiée, avril 1971

Rebecca HORN (1944-2024), Finger Gloves (Gants de doigts) ou Feather Fingers (Doigts de plumes), 1972, extension corporelle (dispositifs prolongeant ou entravant le corps).

Rebecca HORN, Finger Gloves, 1972

Peter CAMPUS (1937), Three Transitions, 1973, vidéo, 4 min 53, Coll. MoMA. Lien vers Trois transitions – MoMA

Ana MENDIETA (1948-1985), Imagen de Yagul*,  from the Series « Silueta Works in Mexico 1973-1977 », 1973, épreuve chromogénique, 50,8 × 35,3 cm, Coll. SFMOMA, San Francesco, États-Unis – Silueta Series : empreinte du corps dans la nature, lien entre corps, lieu et mémoire (*Yagul est un site archéologique situé dans la vallée de Tlacolula, dans l’État d’Oaxaca au Mexique).

Ana MENDIETA, Imagen of Yagul, 1976

Giuseppe PENONE (1947), Souffle 6 [Soffio 6], 1978, terre cuite, 158 x 75 x 79 cm, Centre Pompidou, Paris.

Giuseppe PENONE, Souffle 6 [Soffio 6], 1978

Sophie CALLE (1953), Les Dormeurs, 1979, 23 séries de 5 à 12 images formant un total de 176 photographies N/B, 23 textes encadrés individuellement. Photographies et textes, un livre, chaque texte : 15 x 20 cm (rapport intime, voyeurisme, mise en scène de soi), Galerie Perrotin, Paris.

Joel-Peter WITKIN (1939), Melvin Burckart, Human Oddity, 1985, photographie, épreuve gélatine-argentique, 70 x 70 cm, Galerie Baudoin Lebon, Paris.

Joel-Peter WITKIN, Melvin Burckart, Human Oddity, 1985

Alain KIRILI (1946), Grande Nudité I & II, 1985, sculptures en plâtre, surface patinée, approx. 205,7 cm × 81,2 cm × 81,2 cm chacune, Musée des Beaux-Arts de Valenciennes.

John COPLANS (1920-2003), Self-portrait hands holding feet, 1985, photographie en noir et blanc, 51,44 × 63,34 cm, Collection SFMOMA, San Francisco.

Mona HATOUM (1952), Performance Still, 1985-1995, performance, photographie, tirage argentique à la gélatine sur papier, monté sur aluminium, 76 x 113 cm (détail en bandeau), Coll. Tate, Londres. L’artiste s’est fait connaître au début des années 1980 pour une série de performances et de vidéos qui utilisaient son propre corps comme lieu pour explorer la fragilité et la force de la condition humaine sous la contrainte. Performance Still enregistre l’une des trois performances de rue que Mona Hatoum a réalisées à Brixton pour l’exposition Roadworks organisée en 1985. La performance consistait en l’artiste marchant pieds nus dans les rues de Brixton pendant près d’une heure, avec des bottes Doc Marten attachées à ses chevilles par leurs lacets.

Georges SEGAL (1924-2000), Untitled, 1986, plâtre moulé sur bergère 76,2 x 160 x 96,5 cm, Collection MAMAC, Nice.

Georges SEGAL, Untitled, 1986

Pipilotti RIST (1962), I’m not The Girl Who Misses Much, 1986, vidéo, 5 min. Cette vidéo pose les bases des recherches formelles de l’artiste : la combinaison de la musique et de l’image, la manipulation de la bande, l’utilisation des défauts de la vidéo, le montage serré, la dérision… Pour cette vidéo, l’artiste en plan serré et flou s’agite plus rapidement que la normale et chante d’une manière obsessionnelle, jusqu’à l’épuisement, les paroles de la chanson des Beatles Happiness Is a Warm Gun, écrite par John Lennon. Comme dans toutes les œuvres vidéo qui vont suivre, l’artiste ignore toute construction narrative au profit d’un travail plastique de l’image et de recherches sonores plus ou moins dissonantes.

Annette MESSAGER (1943), Mes Vœux, 1989, 262 épreuves gélatino-argentiques montées sur verre et accrochées à des ficelles, hauteur : 320 cm, diamètre : 160 cm, Centre Pompidou, Paris.

Annette MESSAGER, Mes Vœux, 1989

Bruce NAUMAN (1941), Anthro/socio, 1992, installation vidéo. Sur trois surfaces de projection et six moniteurs, la tête d’un homme est montrée dans différentes prises. Tout en tournant continuellement autour de son propre axe, dans une variété de tonalités, elle chante « Feed me, eat me, anthropology », « Help me, hurt me, sociology » et « Feed me, help me, eat me, hurt me ».

ORLAN (1947), Omnipresence, 7th surgery performance, 1993, performance, opération sur le corps, vue de l’installation au Fotomuseum de Winterthur, en 2017, moniteur vidéo, vidéo, photographies.

Performance d’ORLAN

Erwin WURM (1954), One Minute Sculptures, performances, série de photographies, 1997-1998. Erwin Wurm s’est d’abord fait connaître, dans les années 1990, pour son utilisation du vêtement, présenté de façon isolée ou en association avec le corps, selon des configurations inédites et absurdes. Étiré, porté à contresens, superposé à l’excès, il offre autant de nouvelles propositions d’enveloppes pour le corps et suggère d’improbables morphologies. Dans les « One Minute Sculptures », des objets pris dans un environnement immédiat et des modèles faisant preuve d’une certaine « docilité » sont associés sans hiérarchie les uns aux autres ou à des éléments architecturaux (murs, sol…), en intérieur ou en extérieur, pour former autant de sculptures provisoires, reposant sur un équilibre précaire.

Erwin WURM, The Idiot – One Minute Sculpture,

Nicole TRAN BA VANG (1963), Collection Printemps/Été 2001, 2001, photographie cibachrome sur plexiglas, dibond et aluminium, 119,5 x 119 x 3,9 cm, Coll. particulière.

Nicole TRAN BA VANG, Collection Printemps/Été, 2001

Bill VIOLA (1951-2024), Catherine’s Room, 2001, installation, polyptyque vidéo, Guggenheim Museum Bilbao.

Exposition Bill Viola à la Boverie 23 oct 2023

Willi DORNER (1959), Bodies in Urban Space, performances, série de photographies depuis 2004. S’immiscer dans un interstice, embrasser une colonne, s’imbriquer dans un banc, faire corps avec une porte : Willi Dorner (chorégraphe autrichien) invente de surprenantes sculptures humaines qui transforment la ville en un terrain de jeu.

Roman OPALKA (1931-2011), Opalka 1965/1-∞ Détail 5341636, don de l’artiste, 2005, épreuve gélatino-argentique, photographie noir et blanc encadrée sous plexiglas du visage de l’artiste, 31 x 24 cm, Centre Pompidou, Paris.

Daniel FIRMAN (1966), Esther, 2006, structure en métal, vêtements Prada et perruque, 195 x 53 x 54 cm, Coll. particulière.

STELARC (1946), Ear on Arm, 2007, implant chirurgical (hybridation du corps et de la technologie (cyborg, prothèses).

Cindy SHERMAN (1954), Untitled #465 (Society Portraits), 2008, cibachrome, 184,2 x 122,8 cm, Coll. particulière.
Depuis qu’elle a découvert Instagram, Cindy Sherman est obsédée par les déclinaisons numériques de son image. Elle y poste des portraits d’elle retouchés avec ceci de perturbant qu’elle n’y paraît pas du tout à son avantage. Ses créations digitales procèdent comme des satires sociales vernies d’une esthétique pop où elle imagine, via des rôles de compositions, les déformation de la perception que pourraient finir par entraîner le recours systématique aux filtres, au make up « contouring », etc.

Sascha NORDMEYER (1977), Hyperlip, prothèse de communication, 2009, objet de design en matière plastique rouge.

Marina ABRAMOVIĆ (1946), The Artist is Present, 2010, performance au Museum of Modern Art (MoMA) de New York. Du 7 mars au 31 mai 2010, pendant soixante-quinze jours, soit le temps de sa rétrospective new-yorkaise, Marina Abramović est restée assise sept heures par jour devant une table dans l’atrium du MoMA (endurance, présence réelle du corps face au spectateur).

Liu BOLIN (1973), Hiding in New York #4 – Ground Zéro, 2011, photographie, 118,1 x 149,9 cm, Eli Klien Gallery, New York.

Liu BOLIN, Hiding in New York #4 – Ground Zéro, 2011

Tony ORRICO (1979), Penwald: 8: 12 by 12 on knees, 2011, performance d’approx. 4h, graphite sur papier, 609,6 cm × 609,6 cm, MUNAL, Mexico.


Champ des questionnements plasticiens

Domaines de l’investigation et de la mise en œuvre des langages et des pratiques plastiques : outils, moyens, techniques, médiums, matériaux, notions au service d’une création à visée artistique

La représentation, ses langages, moyens plastiques et enjeux artistiques

  • Jouer avec les procédés et les codes de la représentation, affirmer des intentions
    • Rapport au réel : mimesis, ressemblance, vraisemblance et valeur expressive de l’écart
    • Représentation du corps et de l’espace : diversité des approches et des partis-pris
  • Détourner, réinventer, croiser les modalités et les visées du dessin
    • Autonomie et extension du dessin : affirmation ou mise à distance du geste, de l’instrument, de la trace, usages de machines ou de technologies, diversité des supports, des échelles, espace ou paysage comme matériaux, dimensions virtuelles…

La matière, les matériaux et la matérialité de l’œuvre

  • Créer avec le réel, intégrer des matériaux artistiques et non-artistiques dans une création
    • Les propriétés de la matière, des matériaux et les dimensions techniques de leur transformation : caractéristiques et qualités (physiques, plastiques, techniques, sémantiques, symboliques) des matériaux, de la matière colorée

*Photographie de Dennis OPPENHEIM, 1970