Dessiner sans fin…
#espace #temps #dessin #fini-infini #∞ #imbrication #mise en abyme
Comment dessiner sans fin dans un espace fini, dans les limites données par la représentation ? De plus, comment introduire cette temporalité particulière dans une forme graphique repensée ?
Vocabulaire
- Espace littéral : espace physique et réel du support
- Espace suggéré : espace représenté sur le support
- Infini : qui est sans bornes, illimité (dans l’espace et dans le temps), dont les éléments existent en nombre illimité
- Entrelacs : symbole du mouvement sans fin de l’évolution et de l’involution. C’est le principe cyclique qui se régénère par lui-même et en lui-même. Aucun centre unique n’existe, car les entrelacs sont basés sur le principe de l’infini en constante expansion et contraction.
- Boucle temporelle (time loop en anglais) : forme particulière de voyage dans le temps dans laquelle le futur est rattaché au passé, une certaine période du temps se répétant alors continuellement, par exemple, La Journée sans fin (Groundhog Day), film réalisé par Harold Ramis, avec Bill Murray et sorti en 1993 ou All You Need Is Kill (オール ユー ニード イズ キル?), nouvelle japonaise de Hiroshi Sakurazaka, illustrée par Yoshitoshi ABe en 2004.
Source Wikipédia - Mise en abyme : procédé consistant à représenter une œuvre dans une œuvre similaire (un film dans un film), ou encore en incrustant dans une image cette image elle-même. Ce principe se retrouve dans le phénomène ou le concept d’« autosimilarité », comme dans le principe des figures géométriques fractales ou du principe mathématique de la récursivité.
- Figure fractale : objet mathématique présentant une structure similaire (figure autosimilaire) à toutes les échelles.
La courbe de von Koch est l’une des premières courbes fractales autosimilaires à avoir été publiée dans une revue scientifique, bien avant que le terme « fractal » ne soit inventé par Benoît Mandelbrot. Elle a été inventée en 1904 par le mathématicien suédois Helge von Koch.
Objectifs pédagogiques
Les objectifs en lien avec les attendus de fin d’année du programme :
- s’engager dans une démarche personnelle
- choisir ses propres moyens d’expression en fonction d’un projet, expérimenter des techniques au service de ses intentions, tirer parti de ses découvertes et des techniques
- analyser une œuvre en faisant apparaître son intérêt artistique, l’interpréter d’une manière sensible et réflexive
- envisager et mettre en œuvre, une présentation de sa production plastique.
Questions
Quels éléments du langage plastique allez-vous convoquer pour un « dessin sans fin » ? En quoi le dessin peut-il être un art spatial ?
Dans quelle limite la narration peut-elle intégrer une dimension temporelle (séquentielle) infinie ? En quoi la narration modifie-t-elle ici le dispositif de représentation ? Comment l’organisation ou l’agencement plastique du dessin donneront forme au récit ?
[Cf. La figuration et la construction de l’image ; les conceptions contemporaines du dessin]
Évaluation
L’évaluation portera sur :
- l’étude préparatoire du projet dans le carnet
- la clarté du dialogue instauré entre le dessin et la notion d’infini
- la maîtrise des moyens plastiques d’expression
- la pertinence des références convoquées.
Things are Queer

Les séries photographiques de Duane MICHALS racontent des histoires, ironiques et souvent féroces. Le photographe réalise de fait une narration séquentielle. Dans la série Things are Queer (Les choses sont bizarres) de 1973, chaque image vient faire mentir la précédente, dans une mise en abyme construite en neuf prises de vue où l’irrationnel surgit de l’apparente banalité de la scène.
En apparence, la photographie est banale. Une salle de bains, froide et anonyme, sans signe particulier. La première et la dernière image de la série Things are Queer sont identiques. Le spectateur ne verra pourtant pas de la même manière l’ultime photographie après avoir regardé les sept intermédiaires. Il revient à l’image de départ, mais après une lecture qui brouille ses repères, en faisant basculer l’espace et ses objets, a priori familiers, dans une autre dimension.
« Les photographes s’imaginent que la photo dit tout simplement ce qu’on voit, et que cette réalité c’est la vérité. Moi, je n’y crois pas trop à ça, je pense que la réalité est plutôt faite de contradictions, et c’est quelque chose que j’aime bien montrer dans mes photos. J’aime bien contredire ce que vous croyez voir. Dans Les choses sont étranges chaque photo contredit la précédente. »
_ Duane MICHALS, Contacts. 2 – Le renouveau de la photographie contemporaine, 1993 reportage vidéo de 12 min 50
Références artistiques possibles

- Jan VAN EYCK (1390-1441), Les époux Arnolfini, 1434, huile sur bois, 82 × 60 cm, National Gallery, Londres
- PIRANÈSE (Giovanni Battista Piranesi) (1720-1778), Gravure sans titre dite « Le Pont-levis » planche VII (sur 16) de la série « Les Prisons imaginaires », Rome, édition de 1761 (révisée de 1745)
- Katsushika Hokusai (1760-1849), La Grande Vague de Kanagawa, 1830-1831, estampe japonaise, gravure sur bois, 25,7 × 37,9 cm
- Le Ruban de Möbius (1858) du mathématicien August Ferdinand MÖBIUS (1790-1868)

- En 1877, Émile REYNAUD (1844-1918) invente le Praxinoscope, un dispositif qui permet de voir une animation à travers un cylindre à facettes de miroirs, dans lesquelles se reflètent des images peintes. C’est le premier dispositif d’images en mouvement.
- Édouard MANET (1832-1883), Un bar aux Folies-Bergère, 1882, huile sur toile, 96 x 130 cm, Courtauld Gallery, Londres
- Winsor McCAY (1869-1934), Little Nemo in Slumberland, 1905-1914, comic
- René MAGRITTE (1898-1967), Éloge de la dialectique, 1937, huile sur toile, 65 x 54 cm, National Gallery of Victoria, Melbourne


- Salvador DALÍ (1904-1989), Le Visage de la guerre (El Rostro de la Guerra), 1940, huile sur toile, 64 × 79 cm, Musée Boijmans Van Beuningen, Rotterdam
- Jackson POLLOCK (1912-1956), Convergence, 1952, huile sur toile, 237 x 393 cm, Albright-Knox Art Gallery, New-York
- Maurits Cornelis ESCHER (1898-1972), Relativité, juillet 1953, lithographie sur papier japon vergé crème, 39,3 x 40,3 cm, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa (voir également la lithographie La maison aux escaliers, imprimée pour la première fois en novembre 1951)

- ERRÓ (1932-), Foodscape, 1964, peinture glycérophtalique sur toile, Musée d’Art Moderne de Stockholm, Suède
- Michelangelo PISTOLETTO (1933), Metrocubo d’infinito (Mètre cube d’infini), Oggetti in meno (Objets en moins), 1966, miroir, ficelle en chanvre, 120 x 120 x 120 cm, Centre Georges Pompidou, Paris
- Storm THORGERSON (1944-2013), photographie de la pochette de l’album Ummagumma de Pink Floyd, photographie couleur, 1969
- Michael SNOW (1928-2023), Authorization, 1969, épreuves argentiques instantanées (Polaroid 55) et ruban adhésif sur miroir dans un cadre de métal, 54,5 x 44,5 cm, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa
- Victor Vasarely, Vonal-Stri, 1975, acrylique sur toile, 199,4 × 199,4 cm
- David HOCKNEY (1967), Gregory Swimming Los Angeles March 31st 1982, polaroids



- Peter KOGLER (1959), Untitled, 2014, impression numérique sur film, Museum of contemporary art Zagreb. Depuis les années 1980, l’artiste déploie ses motifs modulaires et en forme de rhizomes sur des ensembles architecturaux à l’extérieur comme à l’intérieur, sous forme de peinture, de papiers sérigraphiés ou de projections – https://www.kogler.net/wordpress/
- Peter KOGLER (1959), Untitled, 2014, impression numérique sur film, Galerie im Taxispalais, Innsbruck
- Peter KOGLER (1959), Untitled, 2015, impression numérique sur film, Sigmund Freud Museum, Vienne
- Andreas GURSKY (1955), 99 cent, 1999, épreuve chromogène, 206,5 x 337 x 5,8 cm, Centre Georges Pompidou, Paris

- Jean-Claude MEYNARD (1951), Le Cube, 2003, impression numérique sous plexiglas, 90 × 120cm. « Ce cube fractal est fait de cubes qui se répètent – micro/macro – à l’infini et qui s’encastrent les uns dans les autres à la manière des poupées russes ».
- Gilbert GARCIN (1929-2020), The danger of images, 2009, photographie
- Matthew SPIEGELMAN, Portal, variation 1, 2010, C-Print
- Marc-Antoine MATHIEU (1959), 3″, une bande dessinée qui se déroule en 3 secondes, un zoom, une mise en abyme infinie, 2011, Éd. Delcourt
- Yayoi KUSAMA (1929), Infinity mirror room, Musée The Broad, Los Angeles, 2017
- Francesca BIFULCO (1986), In the Crowd (Dans la foule), 2020, acrylique sur toile, 393,7 × 190,5 cm
Références aux programmes
Domaines de l’investigation et de la mise en œuvre des langages et des pratiques plastiques
La représentation, ses langages, moyens plastiques et enjeux artistiques
– Les différents statuts du dessin : outil d’observation, d’interprétation, de conception, de communication, langage artistique en soi
– Les conceptions contemporaines du dessin : pluralité des modalités et pratiques, filiation et rupture, relations avec d’autres médiums, avec l’écriture
– Le dispositif de représentation : relations et différences entre l’espace littéral du support ou celui tangible du lieu et l’espace suggéré des représentations, entre espace représenté et construit
La figuration et l’image ; la non-figuration
– La figuration et la construction de l’image : espaces et dispositifs de la narration (séquences visuelles, polyptyques, installations)
Domaines de la présentation des pratiques, des productions plastiques et de la réception du fait artistique
La présentation et la réception de l’œuvre
– L’expérience sensible de l’espace de l’œuvre : rapports entre espace réel, représenté, perçu ou ressenti, rôle du corps du spectateur
*Image mise en avant : Détail de La Grande Vague de Kanagawa (1830-1831), HOKUSAI