Question de temps

Le temps passe, passe, passe… Réalisez une production photographique artistique montrant le passage, le déroulement du temps.

#temps #performance #mise en scène #théâtralisation #photomontage

Objectifs pédagogiques

La séquence a pour objectifs d’amener les élèves à :

  • s’engager dans une pratique exploratoire (ex. : en utilisant différents médiums)
  • approfondir la notion de temporalité dans une production plastique
  • comprendre que le temps peut devenir un constituant plastique de l’œuvre et de son expérience sensible.

Questions

Dans quelle mesure une œuvre artistique peut-elle construire une relation au temps ? Comment l’artiste peut-il exploiter une notion comme le temps ?

En quoi la narration visuelle intègre-t-elle une dimension temporelle et séquentielle ?

En quoi votre réalisation interroge-t-elle la perception du temps ?

En quoi les pratiques photographiques en s’articulant autour des notions d’instant, de durée, de répétition ou encore de flux, interrogent-elles visiblement la question de la temporalité spécifique à ce médium ? Est-ce que le temps pourrait être un moment continu qui enchainerait des instants ? Une suite d’instants discontinue ?

[Cf. Dialogues entre narration figurée, temps, mouvement et lieux ; dispositifs de la narration figurée]


Gravity Fatigue de Damien JALET, 2015

Méthodologie

1. Phase d’idéation : pour rechercher, créer ou visualiser des relations à venir entre cette proposition et sa réalisation, utilisez la technique du remue-méninges (brainstorming), puis réalisez à partir de votre collecte d’idées ou de notions une carte mentale afin de créer des liens logiques permettant de structurer, voire faire converger vos idées vers une unique réponse.

Pistes de réflexion :

  • temps symbolisé : vanité, nature morte, symbolique des objets,
  • temps de l’auteur,
  • temps du spectateur,
  • temps de l’œuvre,
  • temps arrêté ou en mouvement,
  • passé ‒ présent ‒ avenir,
  • temps linéaire ou cyclique (Cf. nycthémère).

Restituer le processus d’agrégation et de désagrégation du temps et œuvrer par séquences, stratifications, dépôts successifs, effacements… peuvent être des approches relativement simples à mettre en œuvre.

2. En petits groupes, discutez de la demande. Comment l’œuvre confronte-t-elle le spectateur au temps ? Qu’est-ce qui diffère entre le temps de l’auteur, celui du spectateur et celui de l’œuvre ? En quoi votre réalisation interroge-t-elle la perception du temps du spectateur ? Que dire du temps du spectateur ?

3. Suite à ce travail préparatoire, réalisez et enregistrez les premières prises de vue photographiques.

4. Retouchez, recadrez ou non vos photographies, proposez-les sous leur forme de présentation (: suite, série, polyptyque, planche, etc.).

Temps de pose

En photographie, le temps de pose ou durée d’exposition est l’intervalle de temps pendant lequel l’obturateur de l’appareil photographique laisse passer la lumière lors d’une prise de vue, et donc la durée de l’exposition de la pellicule photographique ou du capteur.

Les répercussions du temps de pose sur le rendu d’une photographie ne s’arrêtent pas à l’exposition. Un objet mobile capturé en pose longue fera apparaître des traînées sur l’image, suggérant le mouvement. Au contraire, capturé avec un temps de pose très court, son mouvement apparaîtra figé.

Le temps de pose fait partie, avec l’ouverture et la sensibilité ISO du film (ou capteur), des trois paramètres qui permettent de contrôler l’exposition de l’image.

Évaluation

L’évaluation portera sur :

  • l’exploration de techniques photographiques et de langages plastiques liés à la notion de temps,
  • le choix et la maîtrise des moyens d’expression au regard du sujet, ainsi qu’à la prise en compte de sa symbolique,
  • l’engagement dans une pratique photographique réflexive et plasticienne (dépassant les stéréotypes).

Références artistiques possibles

  • Philippe de CHAMPAIGNE (1602-1674), Vanité, ou Allégorie de la vie humaine, 1644, huile sur bois, 28×37 cm, musée de Tessé, Le Mans
  • Eadweard MUYBRIDGE (1830-1904), The Horse in motion, 1878, chronophotographies
  • Claude MONET (1840-1926), Série des Cathédrales de Rouen, 1892-1894, série de 30 toiles – https://fr.wikipedia.org/wiki/Série_des_Cathédrales_de_Rouen
  • Anton Giulio (1890–1960) et Arturo BRAGAGLIA (1893–1962),The Smoker–The Match–The Cigarette, 1911, photographie, MoMA, NY
Anton Giulio Bragaglia, Arturo Bragaglia, The Smoker–The Match–The Cigarette,1911
  • René MAGRITTE (1898-1967), L’homme au journal, 1927, huile sur toile, 116×81 cm , Tate Gallery, Londres
  • Yves KLEIN (1928-1962), Le saut dans le vide, 23 octobre 1960, 5 rue Gentil-Bernard, Fontenay-aux-Roses
  • Daniel SPOERRI (1930-2024), Le Repas hongrois (tableau-piège), 1963, métal, verre, porcelaine, tissu sur aggloméré peint, 205x103x33 cm, Centre Pompidou, Paris
  • On KAWARA (1932-2014), Date Painting, depuis le milieu des années 1960, l’œuvre d’On Kawara repose en grande partie sur les données biographiques de son expérience de l’espace-temps. Le 4 janvier 1966, On Kawara peint la première de ses Date Paintings [Peintures de date], basées sur un protocole rigoureux : un monochrome d’une couleur foncée au centre duquel est peinte en blanc la date du jour de réalisation de la toile, dans la langue du pays où l’artiste se trouve à ce moment-là. Chaque peinture est conservée dans une boîte en carton fabriquée sur mesure, et accompagnée d’une page du journal local daté du jour de sa réalisation.
Duane MICHALS (1932-), The Spirit Leaves the Body, 1968, photographies
  • Duane MICHALS (1932-), The Spirit Leaves the Body, 1968, 7 photographies en noir et blanc
  • Giuseppe PENONE (1947-), Alpes maritimes. Il poursuivra sa croissance sauf en ce point (Alpi Marittime. Continuerà a crescere tranne che in quel punto), 1968, acier, arbre, photographies en 1968 et 1978
  • Denis OPPENHEIM (1938-2011), Stage I and II. Reading Position for 2nd Degree Burn, 1970, sérigraphie sur papier
  • Claude RUTAULT (1941-2022), Définitions/ méthodes, à partir de 1973, peinture-installation. La pratique de Rutault réside dans l’écriture et dans un ensemble de règles, de mises en garde, d’instructions et de procédures. Définition/méthode no 1 « Toile à l’unité », 1973, indique : « une toile tendue sur châssis peinte de la même couleur que le mur sur lequel elle est accrochée. Sont utilisables tous les formats standard disponibles dans le commerce, qu’ils soient rectangulaires, carrés, ronds ou ovales ». Avec cette recommandation initiale, assez rudimentaire, les caractéristiques typiques du travail de Rutault sont évidentes : un travail ouvert, non achevé, participatif, contractuel et dépendant des conditions et de l’environnement dans lesquels il doit être actualisé.
  • Bill VIOLA (1951-2024), The Reflecting Pool, 1977-1980, vidéo, 7 min
  • Peter GREENAWAY (1942-), Z.O.O. (A Zed and Two Noughts), 1985, film couleur de 115 min.
    Les épouses de Oswald et Oliver Deuce, deux frères jumeaux zoologues, meurent d’un accident de voiture, dont Alba Bewick, la conductrice, est la seule survivante. Fous de douleurs et inquiets de la dégradation physique des corps de leurs belles, les deux frères se lancent dans une expérimentation qui va les aider à faire leur deuil. Comme souvent, l’influence de Peter Greenaway est picturale et ici, ce sera celle du peintre Johannes VERMEER (1632-1675). Peintre baroque néerlandais parmi les plus célèbres du siècle d’or, il réalisa surtout, dans un style raffiné, des peintures de genre, principalement des intérieurs montrant des scènes de la vie domestique du quotidien.
  • Peter FISCHLI (1952-) et David WEISS (1946-2012), Le cours des choses (Der Lauf der Dinge), 1987, vidéo, 30 min
  • Pierrick SORIN (1960-), Réveils, 1988, vidéo auto filmage, court métrage, 5 minutes, Musée national d’art contemporain/ Centre Georges Pompidou, Paris. Initié en juin 1988 et s’étalant sur une période de deux mois, la vidéo montre le jeune vidéaste et plasticien encore inconnu filmé en plan fixe, au moment du réveil. Le dispositif, que Sorin explique au début de sa courte vidéo de cinq minutes, est assez simple : une caméra d’autofilmage est installée près de son lit. Un micro est placé aux côtés de l’oreiller et sert aussi de télécommande pour la caméra, qui s’allume lorsque ce premier est utilisé. En branchant solidairement les lampes et le radio-réveil sur un programmeur de tension, Sorin peut planifier l’heure de son réveil (qui sonne à un moment aléatoire entre 7h00 et 8h00).
  • Douglas GORDON (1966-), 24 Hour PSYCHO, 1993, version ralentie du film Psycho (1960) d’Alfred HITCHCOCK (1899-1980)
Sam TAYLOR-JOHNSON, capture d’écran de Still Life, 2001
  • Sam TAYLOR-JOHNSON (1967-), Still Life, 2001, vidéo, 3 min 44 – https://youtu.be/BJQYSPFo7hk
  • Huan ZHANG (1965-), Family Tree, 2001, 9 photographies
  • Denis DARZACQ (1961-), La Chute, 2004-2006, photographies extraites de la série avec des danseurs de breakdance en lévitation
  • Chino OTSUKA (1972-), Imagine Finding Me, 2005-2009, série photographique associant des clichés de son enfance, pris entre 1975 et 1985, et ses propres portraits, réalisés entre 2005 et 2009
  • Roman OPALKA (1931-2011), Opalka 1965/1 à l’infini, détail 5341636, photographie, don de l’artiste 2005, Centre Pompidou, Paris
  • Jean-Gabriel PÉRIOT (1974-), 200000 Fantômes (Nijuman no borei), 2007, film expérimental de 10 min. Ce film composé de photographies provenant de sources hétéroclites (fonds publics, archives de la ville, photographies de particuliers, clichés que le réalisateur a lui-même réalisés sur place) parvient, à partir de fragments de mémoires individuelles, à (re)construire une mémoire collective.
  • Susanna HERTRICH, Chrono-Shredder (Déchiqueteur calendrier éphéméride), 2007-2012
  • Jennifer et Kevin McCOY, I’ll Replace You, 2008, vidéo, audio : 16 min 40, mise en scène de leurs routines quotidiennes jouées par des acteurs
  • Michel BLAZY (1966-), Sculpcure : Bar à oranges, 2009, installation, Collection Frac île-de-France
  • Marina ABRAMOVIĆ (1946-), The artist is present, du 7 mars au 31 mai 2010, performance de 736 heures et 30 minutes , MoMA, New York
  • Christian MARCLAY (1955-), The Clock, 2010, projection durant 24 heures. L’artiste y orchestre des milliers d’extraits de films, puisés dans toute l’histoire du cinéma pour composer cette mécanique qui indique l’heure en temps réel, dans chacun des lieux où elle est présentée.
  • Motoi YAMAMOTO (1966-), Labyrinth, 2010, sel, diamètre 12 m, exposition personnelle « Salz », Kunst-Station St Peter Cologne, Allemagne
Urs FISCHER (1973-), Sans titre, vues de l’installation à la Bourse de commerce en 2024
  • Urs FISCHER (1973-), Sans titre, 2011, installation de sculptures en cire – un groupe de bougies monumentales : la réplique grandeur nature d’un célèbre groupe sculpté de la période maniériste L’Enlèvement des Sabines (1579-1582) de Giambologna, sept chaises diverses (d’un tabouret africain à la banale chaise plastique en passant par le fauteuil d’avion), que contemple l’effigie de l’artiste Rudolf Stingel (ami de l’artiste), Bourse de Commerce – Pinault Collection 2024, La Rotonde, Paris
  • Orly ZAILER (1982-), The Time Elapsed Between Two Frames, 2012-2013, diptyque photographique. « In this project I have reproduced old photographs from various family albums with descendants of the people photographed in the original ones. I have chosen people with significant physical resemblance to their relatives. What initiated this project was a self portrait with my partner, reproducing a photograph of my parents which was taken 40 years earlier. « 
  • Claudia KÜBLER (1983-), Zeit verstreichen, 2013, vidéo, 47 min 50 – https://claudiakuebler.ch/project/zeit-verstreichen/

Danse macabre

Danse macabre, 16e siècle

La danse macabre est un motif artistique populaire à la fois présent dans le folklore européen et élaboré à la fin du Moyen Âge. Elle est un élément, le plus achevé, de l’art macabre du Moyen Âge, du 14e au 16e siècle.

Tout au long du 15e siècle et au début du 16e, ce thème est peint sur les murs des églises, dans les cimetières d’Europe du Nord, sur les murs extérieurs des cloîtres, les charniers, les ossuaires. Au-dessus ou au-dessous de l’illustration sont peints des vers par lesquels la mort s’adresse à la victime, souvent sur un ton sarcastique et empreint de cynisme. Il est diffusé à travers l’Europe par les textes poétiques colportés par les troupes de théâtre de rues.

Cette forme d’expression est le résultat d’une prise de conscience et d’une réflexion sur la vie et la mort, dans une période où celle-ci est devenue plus présente et plus traumatisante. Les guerres — surtout la guerre de Cent Ans — les famines et la peste, que représentent souvent les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse, ont décimé les populations.


Roman OPALKA au travail, Détail, 1965/1-∞, acrylique sur toile, 195×135 cm

À partir de 1965, Roman OPALKA peint, toujours sur le format 195×135 cm, en blanc sur fond noir, les nombres qui se succèdent sans relâche et sans fin.

Arrivé au nombre 1 000 000, il décide de faire évoluer son travail. Dès lors, à chaque nouvelle toile entamée, il ajoute 1 % de blanc dans la peinture servant au fond de sa toile, initialement noir à 100 %. Petit à petit, les fonds blanchissent, marquant d’une nouvelle manière le temps qui passe. Toutefois, afin de ne pouvoir être accusé de fraude, Roman Opałka veille à utiliser deux blancs différents, un pour ses nombres (blanc de titane) et un pour le blanchissement progressif de son fond (blanc de zinc). Aussi, même sur ses toiles les plus récentes (donc les plus blanches), on peut encore distinguer le tracé des nombres en regardant la toile sous un certain angle.

En outre, Roman Opałka a entrepris une autre démarche. Depuis, à chaque fois qu’il terminait une toile, il se mettait dos à sa toile, et se prenait alors en photo. Dans sa tenue de travail blanche, avec ses cheveux qui viennent également à blanchir, il vient petit à petit se fondre dans sa toile, y disparaître. C’est encore là un moyen d’exprimer le temps qui passe.


Références aux programmes

Domaines de l’investigation et de la mise en œuvre des langages et des pratiques plastiques : outils, moyens, techniques, médiums, matériaux, notions au service d’une création à visée artistique

La figuration et l’image ; la non-figuration

– Dialogues entre narration figurée, temps, mouvement et lieux : temps et mouvement réels ou suggérés, temps de la production, de la présentation, de la réception, l’éphémère, mouvement du spectateur


*Image mise en avant : autoportraits photographiques de Roman OPALKA, intitulés : Opalka 1965/1 à l’infini, détails 2075998, 2081397, 2083115, 4368225, 4513817, 4826550, 5135439 et 5341636, Centre Pompidou, Paris