Éloge à la matière, rien qu’à la matière

En utilisant que des matériaux bruts et peut-être inhabituels, vous produirez un travail plastique tridimensionnel (: bas-relief ou haut-relief ou sculpture) faisant l’éloge de la matière, rien que de la matière et témoignant de ses qualités intrinsèques.

  • Éloge : paroles ou écrit à la louange de quelqu’un ou de quelque chose.
  • Bas-relief : il s’agit d’une sculpture caractérisée par un faible relief, où le sujet représenté ne se détache que légèrement du fond. Des effets de profondeur peuvent être créés grâce à une perspective simulée, des tailles décroissantes ou des éléments de décor. Le terme « haut-relief » désigne quant à lui une sculpture où une partie du relief se détache complètement du fond.

Objectifs pédagogiques

La séquence a pour objectifs d’amener les élèves à :

  • saisir qu’une œuvre d’art ne peut se réduire à sa reproduction qui annulerait l’ensemble des caractéristiques physiques et plastiques
  • comprendre que la matérialité d’une œuvre détermine sa perception et que les qualités physiques et symboliques des matériaux sont porteuses de sens
  • comprendre qu’un matériau peut faire œuvre à lui seul en se passant de toute référence iconographique
  • percevoir qu’un lien signifiant peut émerger à partir du dialogue instauré par l’artiste entre des matériaux qui semblent de prime abord ne rien avoir en commun.

Questions

En quoi les matériaux jouent-ils un rôle dans la représentation ? Dans quelle mesure font-ils sens ?

La matière s’efface-t-elle derrière le motif qu’elle incarne ? Le sujet de l’œuvre peut-il être la matière elle-même ? Quel dialogue l’artiste instaure-t-il entre la matière et le sujet ou le motif représenté ?

Comment l’œuvre peut-elle interagir avec l’espace et le spectateur ?

[Cf. Les propriétés de la matière, des matériaux et les dimensions techniques de leur transformation]

Évaluation

L’évaluation portera sur :

  • la documentation et la conduite du projet, y compris les expériences pour résoudre les problèmes rencontrés, jusqu’à la finalisation du projet
  • la maîtrise des effets plastiques révélés lors des expérimentations qui mettent en évidence les qualités de la matière
  • l’explication orale utilisant un vocabulaire descriptif précis et adéquat.

Antiform

Dans l’histoire de la sculpture contemporaine, une volonté de contester le caractère solide et durable des réalisations apparaît à la fin des années 1960, à l’initiative de Robert MORRIS. Dans un texte publié en 1968 qu’il intitule Anti Form, l’artiste fait part au public d’un changement d’orientation de son travail en proposant une sculpture littéralement souple, parfois à la limite du périssable. 

Toujours dans cet article, il remarque que la sculpture a toujours été pratiquée sans s’interroger sur le rôle de la matière dans la détermination de la forme finale. Robert MORRIS critique l’approche occidentale qui, selon lui, a toujours soumis la matière à un ordre qui lui est extérieur, sans jamais la laisser s’organiser elle-même. En somme, le travail de la matière est invariablement conçu comme moulage, ou comme élaboration d’une forme plaquée de l’extérieur.

Robert MORRIS propose, au contraire, de valoriser la matière, de la montrer pour ce qu’elle est, de profiter de ses imperfections, et même de suivre sa tendance à la transformation, à la dégradation et à l’autodestruction. Son travail, en montrant la matière à un moment donnée de sa chute, réalise l’ambition paradoxale de pérenniser l’éphémère.

Il crée ainsi des sculptures molles, inspirées de celles de Claes OLDENBURG, qui influencent à leur tour d’autres artistes comme Eva HESSE, Bruce NAUMAN, Barry FLANAGAN ou encore SARKIS. Chacun d’eux développe alors à sa manière un aspect de l’Antiforme

Aujourd’hui encore, cette réflexion sur la matière trouve des échos dans des œuvres contemporaines comme celles d’Ernesto NETO, notamment We stopped just here at the time, 2002, une œuvre en tissu et épices, entièrement gouvernée par le poids, la texture et le parfum de la matière utilisée.

Source : Dossier pédagogique du Centre Pompidou, Paris

Références artistiques possibles

  • Jean DUBUFFET (1901-1985), Le Danseur, juin 1954, éponge, filasse, brique, 57,5×15,5×13 cm, Centre Pompidou, Paris
  • CÉSAR (1921-1998), Bas-relief, 1961, relief, acier et fragments de tôle peinte soudés, 252x281x45 cm, Centre Pompidou, Paris
  • Niki De SAINT PHALLE (1930-2002), La Mariée (ou Eva Maria), 1963, grillage, plâtre, dentelle, jouets divers, 222×200×100 cm, Centre Pompidou, Paris
Bernar VENET, vue de l’exposition Rétrospective 2019-1959 au Musée D’Art Contemporain, Lyon, 21 septembre 2018 – 6 janvier 2019 – Tas de charbon, 1963, sculpture sans dimensions spécifique et Goudron, 1963, peinture 150×130 cm (Venet Foundation)
  • Bernar VENET (1941-), Tas de charbon, 1963, tas composé de cinq tonnes de charbon anthracite, dimensions variables
  • Barry FLANAGAN (1941-2009), Casb 1’67, 1967, sac tronconique rempli de sable et érigé sur une base circulaire, toile et fil de coton, sable, bois, hauteur : 260 cm, diamètre : 52 cm
Michelangelo PISTOLETTO, Venus of the Rags, 1967, vue de l’installation au Castello di Rivoli Museo d’Arte Contemporanea
  • Michelangelo PISTOLETTO (1933-), Venus of the Rags (Vénus aux chiffons), 1967, reproduction d’une statue grecque en plâtre (Vénus Callipyge), tas multicolore de vêtements jetés, 150×280×100 cm, vue de l’installation au Castello di Rivoli Museo d’Arte Contemporanea, Rivoli-Torino
  • Robert SMITHSON (1938-1973), Glue Pour, 1969, œuvre (éphémère) in situ (Vancouver), bidon de colle épaisse versé sur un talus de terre, photographie couleur de Robert Smithson
Robert SMITHSON, Glue Pour, 1969, photographie couleur de l’artiste
Robert MORRIS (1931-2018), Wall Hanging, 1969-1970, vue de l’exposition Structures of Radical Will (2021) à la Fondation CAB à Saint-Paul de Vence
  • Robert MORRIS (1931-2018), Wall Hanging, 1969-1970, Tenture de la série Felt Piece (Feutre découpé), 250x372x30 cm
  • Eva HESSE (1936-1970), Seven Poles, 1970. L’œuvre, réalisée entre le début du mois de mars et la mi-mai, a été présentée pour la première fois à New York au Owens-Corning Fiber Glass Center le 14 mai 1970. 7 éléments suspendus au plafond et dont la base repose sur le sol : résine, fibre de verre, fils d’aluminium, polyéthylène, 272×240 cm, hauteur de chaque élément : de 188 cm à 282 cm, circonférence de chaque élément : de 25,5 cm à 45,5 cm, l’espace au sol occupé par l’installation est variable.
  • CÉSAR (1921-1998), Expansion no14, 1970, coulée de polyuréthane expansé, stratifié et laqué, 100x270x220 cm. En 1965, l’artiste découvre la mousse de polyuréthane qui, travaillée et versée librement, s’étend et gonfle dans des proportions étonnantes. Les premières expansions, réalisées en public à l’occasion de happenings, sont découpées en morceaux, distribués à l’assistance. En 1970, César recherche un procédé qui permette de pérenniser les expansions alors que la fragilité du matériau s’y prête mal. Il recouvre la mousse de polyuréthane successivement d’une couche de résine de polyester, de laine de verre et de laque acrylique. La surface, poncée et vernie, lisse et nacrée, à l’image de l’Expansion no14 , semble vouloir préserver quelque chose de la fragilité initiale de la matière.
  • Giuseppe PENONE (1947-), Soffio 6 (Souffle 6), 1978, terre cuite, 158×75×79 cm, Centre Pompidou, Paris
  • SARKIS (1938-), I love my Lulu, 1984, bandes magnétiques, métal, bois, peinture, projecteurs, 199x70x60 cm
  • Wolfgang LAIB (1950-), Pollen de noisetier, 1986, pollen de noisetier tamisé au sol, 230 × 260 cm, CAPC, Bordeaux
  • Jana STERBAK (1955-), Flesh Dress for an Albino Anorectic (Robe de chair pour albinos anorexique), 1987, MNAM, Paris
Ernesto NETO, We stopped just here at the time, 2002, vue de l’installation au Centre Pompidou, Paris
  • Ernesto NETO (1964-), We stopped just here at the time, 2002, installation, lycra, clou de girofle, curcuma, poivre, 450x600x800 cm (dimension minimale de l’installation). We Stopped Just Here At The Time est ainsi constituée d’une toile accrochée au plafond, en tissu souple et transparent, dont certaines parties, remplies d’épices aux couleurs chaudes, pendent comme des grappes. Si les diverses épices (clou de girofle, cumin, poivre et curcuma…) emplissent et structurent les formes de cette sculpture, elles lui confèrent aussi sa dimension d’installation multi-sensorielle. Ces formes voluptueuses, les couleurs vives et les parfums diffusés, sollicitent le regard et l’odorat. Elles invitent le visiteur à dépasser la hiérarchie de la perception qui place conventionnellement le regard au premier plan.
  • Antoni TÀPIES (1923-2012), Cos lligat, 2010, technique mixte et collage sur bois, 170×200 cm
  • Tadashi KAWAMATA (1953-), The Nest, 2019, installation in situ. Bois de charpente, cartons, vieux journaux, cagettes usagées deviennent autant de modules de base pour former des volumes en dialogue avec les lieux investis. L’artiste japonais modifie les espaces sur lesquels il intervient en créant des excroissances qui perturbent et déstabilisent l’ordre établi par l’architecture de la ville moderne.

Rostislav UZUNOV – https://www.instagram.com/rostislav.uznv/

Références aux programmes

Domaines de l’investigation et de la mise en œuvre des langages et des pratiques plastiques

La matière, les matériaux et la matérialité de l’œuvre

– Les propriétés de la matière, des matériaux et les dimensions techniques de leur transformation : repérer et exploiter les qualités (physiques, plastiques, techniques, sémantiques, symboliques) des matériaux pour créer en deux ou trois dimensions


* Image mise en avant : détail de Glue Pour (1969, Vancouver) de Robert SMITHSON, œuvre in situ, bidon de colle épaisse versé sur un talus de terre, photographie couleur de Robert Smithson